| | Un proverbe chinois avait donné son titre à l’exposition de Laurent Camut présentée en 2007 au Centre Iris pour la photographie : « Qui a peur des fantômes, ne sait regarder la nuit ». Quatre ans plus tard, Laurent Camut semble apporter une nuance à ce premier constat : « there is a light »... « il y a une lumière »... Tout aussi poétique, ce titre reste sibyllin, mystérieux comme la galerie de portraits inédits de cette série.
Le portrait est au cœur du travail de Laurent Camut. Après le dessin, il pratique la photographie depuis l’âge de vingt ans, trouvant en elle les réponses à ses exigences techniques et artistiques. Sa rencontre avec les personnes handicapées, dans un centre de jour, est déterminante dans son engagement artistique et humain. La confiance acquise de ses modèles depuis quinze ans lui permet de révéler toute leur intériorité, leur profondeur et leur humanité. Il nous invite à arrêter notre regard sur eux, à les reconsidérer sans référence à leur environnement psychiatrique, la démarche de Laurent Camut ne se situant pas dans le champ du reportage.
La première lumière que nous offre Laurent est celle qui émane de ses modèles. En les mettant en scène, en étudiant avec eux les poses, les expressions, l’éclairage, ils deviennent les co-auteurs de ses créations. Ils ne sont plus des handicapés, mais des acteurs à part entière. Le regard qu’ils portent sur eux-mêmes évolue. Le jeu, la théâtralisation, les costumes les libèrent de leur peur, de leur inhibition. Cette confiance qu’ils accordent au photographe leur autorise un lâcher prise. La retenue, le contrôle, font place à l’abandon, au don de soi. Même s’il respecte la pudeur, l’intimité de chaque modèle, Laurent Camut n’en occulte ni n’en gomme la singularité, parfois même la gravité.
La deuxième lumière qui traverse ces portraits est un hommage en même temps qu’une filiation et une parenté. : cette clarté est proche de celle qui traverse les portraits de Rembrandt, de Vermeer et des peintres flamands du XVIIème siècle - l’un des portraits faisant directement référence à « La jeune fille à la perle » - mais également des clairs-obscurs de George de La Tour. Cette lumière combinée à certaines mises en scène semble même parfois d’essence divine ou métaphysique et nous renvoie aussi aux origines de la peinture classique. L’expressionnisme est présent dans ces compositions, Laurent Camut concentrant désormais toute son attention sur son sujet, abandonnant peu à peu l’habillage pictorialiste de ces précédentes séries. Le fond est noir, le modèle capte la lumière et nous la restitue à son tour.
C’est par cette lumière multiple que les modèles de Laurent Camut scrutent et éclairent nos âmes. Ce sont eux désormais qui nous regardent. Ils nous obligent à ranimer une lueur en nous, à renouer avec notre humanité, notre empathie. « Il y a une lumière »... Celle d’une beauté, d’un espoir. Malgré tout. |
Mots clés : photographie, protraits |
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